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Le point de départ du délai de prescription de l’action récursoire du constructeur contre son vendeur court à compter du jour de sa propre assignation par le maître d’ouvrage

Civil - Immobilier
15/02/2023
Dans un arrêt du 8 février 2023, la Cour de cassation juge que, pour les ventes conclues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les vices affectant les matériaux ou les éléments d'équipement mis en œuvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l'exonérer de la responsabilité qu'il encourt à l'égard du maître de l'ouvrage sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge. Le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu'il a utilisés pour la réalisation de l'ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale.
Contexte
Une société de travaux se voit confier le lot ventilation pour la construction d’une maison d’habitation. La société titulaire du lot fourni une ventilation fabriquée par une autre société, laquelle comprenait une carte électronique, elle-même conçue par une autre société. Après réception des travaux, un incendie se déclare dans les combles de la maison et les maîtres d’ouvrage assignent la société titulaire du lot, le vendeur de la VMC et le fabriquant de la carte électronique.

Grief des défendeurs
Le vendeur de la VMC fait grief à l’arrêt de le condamner à garantir la société titulaire du lot ventilation de l’intégralité des condamnations mises à sa charge au motif que l’action en garantie des vices cachés, si elle doit être exercée dans un bref délai suivant la découverte du vice, est également enfermée dans le délai de prescription fixé à l’article L. 110-4 du Code de commerce, lequel court à compter de la vente. Le fabriquant de la carte électronique quant à lui fait grief à l’arrêt de le condamner à garantir la société vendeuse de la VMC des condamnations mise à sa charge sur les mêmes fondements. Tous deux considèrent ainsi que le délai de prescription prévu par les dispositions du Code de commerce a commencé à courir à compter de la vente et que l’action a été introduit postérieurement à ce délai.

Réponse de la Cour
La Cour de cassation rappel tout d’abord que, pour les ventes conclues avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les vices affectant les matériaux ne sont pas une cause susceptibles d’exonérer l’entrepreneur de la responsabilité qu’il encourt à l’encontre du maître de l’ouvrage, quelque soit le fondement de cette responsabilité. Cependant, et afin de garantir le droit d’accès au juge, le constructeur dont la responsabilité a été retenu doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale.

Le constructeur ne pouvant pas assigner le vendeur avant d’avoir lui-même été assigné par le maître d’ouvrage, le point de départ du délai de prescription qui lui est imparti court à compter du jour de sa propre assignation. Le délai prévu par l’article L. 110-4 du Code de commerce est également suspendu jusqu’à ce que la responsabilité de l’entrepreneur soit recherchée par le maître d’ouvrage (Cass. 3e civ., 16 févr. 2022, no 20-19.047, B). Cette suspension de délai s’applique également au vendeur du vendeur. En l’espèce, le fabricant de la carte électronique de la VMC ne peut pas se prévaloir des délais de prescriptions susmentionnés à l’encontre du vendeur de la VMC. Ce délai n’a en effet commencé à courir qu’à compter de l’assignation du vendeur de la VMC.

Aussi les actions en garanties de l’espèce ne sont pas prescrites, ces dernières commençant à courir au moment de l’assignation. Le vendeur de la VMC devra donc garantir l’entrepreneur et le fabriquant de la carte électronique devra garantir le vendeur de la VMC.
 
Source : Actualités du droit